mercredi 15 avril 2015

Découverte de l'association et des établissements scolaires

Une fois la période des fêtes passée, s'en est venu le temps du travail et de la mise en route du projet sur l'éducation porté par l'association Afrik'Avenir. Les premiers constats sont à mettre du côté de l'absence d'organisation au sein de l'association, visible au premier regard. Nous sommes arrivées pour mettre en place un projet d'éducation. En nos qualités d'étudiants en sociologie, nous n'avons pas la prétention de venir évaluer une pratique pédagogique, mais constater le fonctionnement des écoles observées, les possibles besoins de celle-ci et l'identification des possibilités d'action de l'association. Dans un premier temps, afin de commencer ce travail, le coordinateur général nous a présenter les établissements dans lesquels nous allions réaliser nos observations : école primaires, collèges et lycées, publics, privées et confessionnels. Notre étude devait porter au départ sur l'ensemble de Lomé mais au vu des limites, notamment en ressources humaines de l'association, cette idée de départ sera ramené au quartier d'Adidogomé. Un échantillon de 7 à 8 établissements sera visé pour cette première phase d'observation. Au cours de la prise de contact avec les différents établissements, certaines pratiques ont été mise à jour et différenciées. En effet, selon moi, cette prise de contact aurait pu se faire d'une certaine manière : récupérer le numéro de téléphone des secrétariats des différents établissements (par internet ou d'autres moyens), appeler et prendre rendez-vous avec les responsables, présenter le projet, attendre la confirmation de partenariat puis commencer à travailler avec l'établissement. Cette solution me paraissait être la plus « logique », la plus « efficace ». Cependant le responsable de l'association nous à présenter une toute autre démarche. Nous sommes allez en personne voir les responsables des établissements, qui n'était pas toujours disponible, pas toujours présent. Cela a donné lieu à plusieurs visites dans l'établissement. Nous avons convenu de rendez-vous puis sommes revenu présenter officiellement le projet avec une demande partenariat officiel. L'organisation hiérarchique de l'administration togolaise est très importante. Il est nécessaire pour un tel partenariat d'un établissement scolaire avec une association, que la demande officielle soit transmises à l'administration concernée. Dans la cas des établissements privées, la demande doit être diffusée au fondateur de l'établissement (le propriétaire). Dans ce dernier cas, un collège/lycée privé que nous avions sollicité et que nous avons relancé plusieurs fois n'a pas donner suite, sans jamais nous avertir de son refus. Ce premier contact avec le milieu éducatif au Togo a fait apparaître la forte présence de la hiérarchie, du respect du pouvoir. Les directeurs d'établissements étant très respecté par les professeurs, et les élèves très respectueux des professeurs. Très rapidement dans la phase de prospection du projet, nous avons été livré à nous même, le coordinateur nous « faisant confiance » pour gérer le déroulement du projet. Hormis quelques demandes éparses au cours de notre travail, il n'a pas mis le nez dans le déroulement de travail et nous a laissé libre de s'organiser, de prendre des rendez-vous et d'effectuer les semaines sans sa présence.

Globalement, ce fut un plaisir de venir présenter le projet éducation porter par l'association, tant les professeurs et la direction des établissements volontaires, nous ont accueillis avec plaisir, sympathie et respect. Considérations dures, froides et parfois agressives et dominatrices, de la direction envers les élèves d'une part et les enseignants d'autres part, me fait comprendre les attentes particulières des établissements quant à une proposition, aussi minime soit-elle, d'aide, de partenariat, d'apports quelconque. Dans la majorité des cas, les écoles sélectionnées n'ont jamais accueilli de bénévoles blancs par le passé (le bénévolat des togolais étant très limité selon les responsables de l'association, et les bénévoles étrangers viennent essentiellement des pays occidentaux ). Un certain nombre d'enseignants et de directeurs d'établissements l'ont répété, « le seul fait que les élèves voient quelqu'un qui s'intéresse à eux, ça les motivent ». Actuellement, les élections présidentielles approchent, les revendications sociales sont très fortes notamment au sein de l'éducation. Les grèves sont fréquentes et perturbent le travail d'observation.


En conclusion de cet article, voici quelques impressions sur ces premiers échanges avec les acteurs de l'éducation togolaise. Je dirais dans un premier temps que les semaines d'observations effectués ont été le révélateur d'une réalité médiatique qui nous est diffusée partiellement en occident. Se retrouver dans une classe de 6ème avec 130 élèves dans une salle, serré sur un banc. Sentir la chaleur de la classe, constater l'ancienneté des programmes scolaires, certain programme d' SVT de premier cycle sont vieux de plus de 20 ans. La violence de certains professeur au sein des classes (il est légalement interdit depuis plusieurs années maintenant tous sévices corporels ou morales sur un élève), convaincu de leurs méthodes, est un événement qui m'a touché. Bien entendu, il ne s'agit pas dans un tel moment, de venir jouer les donneurs de leçons et se positionner ouvertement en défenseur « universel » d'une éducation occidentale qui a banni ces pratiques il n'y a que peu de temps. Il s'agit plutôt de comprendre pourquoi cette violence est aussi présente à l'école et dans l'éducation des enfants. Ce positionnement d'observateur est pour moi une attitude que je dois garder au maximum tout au long du stage, tout en partageant nos pratiques occidentales, sans jamais juger, hiérarchiser ou pire dédaigner certaines pratiques locales sans avoir saisi toutes leurs mesures et profondeurs.

dimanche 15 mars 2015

Immersion totale


Les récits de voyage peuvent apparaître parfois comme spectaculaire. Mes excursions personnelles m'ont fait découvrir la muraille de Chine, le Macchu Pichu, les paysages montagneux et verdoyants de la Nouvelle-Zélande. J'ai travaillé en Amérique du Sud dans une plantation de café dans la jungle péruvienne, dans un lieu sans eau (pas de canalisation) ni électricité, en devant faire le feu pour faire à manger. L'arrivée au Togo s'est déroulé de la même manière : j'ai eu au cours de mes premiers moments sur place, l'opportunité de manger du chien et du varan, boire du Sodabi (alcool fort local dérivé du vin de palme) très fréquemment, surtout en cette période des fêtes de fin d'année. Autant de codes sociaux qui font rupture avec ceux pratiqués en France. Au delà de mon appétence pour ses excentricités liées au voyage, à la découverte de l'inconnu, il me semble nécessaire de passer par ses étapes d'intégrations, ses pratiques communes qui nous permettre de partiellement nous confondre à la population locale. Refuser, dans le cadre d'une rencontre professionnelle avec une famille d'un petit village autour des montagnes de Kpalimé (capitale touristique du Togo situé à 150km au Nord de Lomé), un verre de Sodabi à 6h du matin, relevant de la coutume et des traditions, pouvant être très mal vue voir inacceptable pour un togolais. Il en va de même lorsque l'on a du mal à finir une assiette de foufou en sauce (boule à base de manioc bouilli et pilé avec de l'eau avec une sauce pimenté) offert par nos hôtes, en quantité très abondante. Le fait de sentir la nourriture que l'on nous propose est également très mal vue, synonyme de remise en question de la qualité de l’accueil, la qualité de l'invitation de notre hôte. Voici autant de codes autour de la nourriture et de l'alcool qui font différence et appel à un dépassement de soi. Je ne vois aucun intérêt dans un premier temps à marquer sa désapprobation directe, son incompréhension vis-à-vis de certaines pratiques hospitalières, sociétales, dans la mesure ou j'ai choisi d'être dans cette situation. Lorsque l'on rencontre l'autre, qu'on vit dans son univers, avec ses coutumes, ses codes, ses exigences, il est à mes yeux nécessaires, au moins dans un premier temps, de ne pas trop « penser », réfléchir et à ne surtout pas comparer ses pratiques à celles dont nous sommes coutumier. Cette première phase de découverte des pratiques et coutumes au Togo pose une question centrale au cours de ce moment d'observation : dois-t-on abonner une partie de soi-même, mettre de côté certaines valeurs, attachements personnelles le temps de l'observation, de l'exploration, de la découverte, de la compréhension de l'autre ? Est-il possible de faire autrement, alors que nous voulons engager une compréhension la plus complète, la plus juste possible, de l'autre, de ses pratiques et de ses positionnements, de ses compréhensions du monde ?

lundi 19 janvier 2015

Premières impressions togolaises.

Après quelques mois d'attente et après quelques heures d'avion, me voici enfin arrivé à Lomé, capitale du Togo. Au cours d'un voyage pour une telle destination, il y a toujours une certaine appréhension et un certain nombre de questionnements qui surgissent.


On parle beaucoup du continent africain, de son histoire (passée, présente et future), de ses cultures diverses, de ses traditions particulières. Par ailleurs, sa pauvreté, son « sous-développement » ainsi que sa « désorganisation » sont souvent mis en avant. Me voilà ainsi débarqué avec tout ce bagage de présupposés, de représentations sur les africains. Quitter l'occident de la Belgique, pour se retrouver en Afrique au Togo, a révélé d'un certain nombre de contrastes saisissants.


En descendant de l'avion, on apprécie une température clémente, un soleil de plomb mais on regrette aussi une pollution très présente. En excluant le centre ville avec ses immeubles, son quartier administratif et ses routes goudronnées, on parcours dans des rues en terre, faites de bosses, de creux et de cailloux, avec de la terre aux couleurs rouge-orange prononcées. Un vent du Nord (l'Harmattan, ayant donné le nom à la maison d'édition, détenu par un togolais) amène une certaine fraîcheur et beaucoup de poussière sur le pays à cette période de l'année.


Les motos et les voitures filent dans tous les sens, les gens vendent tout un tas de choses de diverses natures sur le bord de la route. Cela va de la nourriture, à de l'essence, en passant par des téléphones portables ou encore des vêtements. En arrivant, on constate avec plaisir la gentillesse de la population avec leurs messages de bienvenue et leurs sollicitations multiples pour les présentations, le partage d'un repas ou d'une boisson. 


Pendant les cinq prochains mois, je vais être amené à vivre au Togo, à travailler au sein d'une association togolaise, à travailler dans des établissements scolaires de la capitale. Les premiers rapports avec d'autres français venus au Togo dans le même cadre associatif, m'amène (déjà) quelques frustrations, qui peuvent constituer ma ligne de conduite pour de futurs récits de voyage qui est la réflexion suivante : Lorsque l'on voyage, quelle légitimité avons-nous de venir dans un pays, au sein d'une culture, d'un peuple, auquel nous ne sommes originellement pas liées ?


En effet, lorsque je voyage, que je me plonge dans une culture qui n'est pas la mienne, auprès d'une population qui ne m'attend pas, comment pourrais-je avoir la prétention de pouvoir juger certains agissements, certaines pratiques ayant libre cour au sein d'un territoire ?


Mon premier travail, je le crois, c'est d'écouter, de regarder, de comprendre, et non de comparer des valeurs, des coutumes des agissements, dans une position de hiérarchisation qui devrait déterminer la « meilleur solution » et le meilleur comportement. Le rythme de vie togolais m'interroge, me fascine d'un certain côté tout en me frustrant de l'autre.


Cette admiration ou frustration que le voyageur peut ressentir en découvrant un monde nouveau, je pense qu'il devrait être capable de l'analyser d'une manière rationnelle. Cela, afin de résoudre, au moins partiellement, les problématiques que cela peut provoquer et afin d'être confronté à des réalités qui peuvent paraître, à première vue, opposées aux réalités « objectives » qui la compose.


Pour terminer sur ces premières impressions togolaises, je mettrais
en avant le plaisir de la nouveauté et de la rencontre et de la remise en question que procure le voyage. Ce voyage, bien que professionnel et dans un cadre universitaire (bien que pourquoi ? péjoratif ?), est avant tout pour moi un lieu d'apprentissage, de réflexions personnelles, de confrontations culturelles et de compréhension de l'autre. Mes représentations premières, avant toutes choses, étaient axées sur les difficultés de ce continent. Je pourrais formuler une hypothèse quant à son explication.

Dans un premier temps, les réalités que l'ont pourrait nommer « objectives », montrent de manière globale les difficultés du continent africain. Les rapports internationaux sur l'éducation, l'économie, le développement, la santé et autres tendent à démontrer combien les peuples africains ont un certain nombre de carences dans leurs développement (on considère celui-ci en rapport avec les bases posées par les grandes puissances occidentales). D'un autre côté, il me semble qu'un certain imaginaire médiatique tend à noircir les situations et à promouvoir le sensationnel à travers des événements singuliers et non représentatifs de réalités objectives. C'est avec toutes ces représentations que je suis arrivé au Togo, en mission humanitaire (étiquette posée par l'association Afrik'Avenir, qui me pose cependant un certain nombre de questions). Je parle ici d’images négatives mais il en va évidemment de même avec toutes celles qui sont appréciées. Puisqu’on parle aussi de la solidarité, de la facilité dans les rapports humains, de la convivialité et de la gentillesse des populations africaines.

Aux cours des fêtes de fin d'année, un certain nombre de personne que j'ai pu rencontrer ont tenu à préciser une chose qui peut faire une différence avec ce que j'ai connu auparavant en France : « Ici tu es chez toi ! » A la suite de tous ces échanges, j'ai su une chose : ce sentiment de cohésion, cette intégration presque automatique des étrangers par les togolais me parle, me touche et fait sens pour moi. 

Voir aussi rapidement des « compatriotes » venir « prêcher la bonne parole » en Afrique, comme on prétendu le faire les colonisateurs occidentaux à une époque finalement pas si lointaine, cela me choque et me touche. S'offusquer au plus haut point lorsque les gens jettent des papiers, plastiques par la fenêtre, dans la rue en marchant. Se plaindre de la pauvreté du musée national (en le comparant aux « grands musées parisiens »).

Ce projet d'écriture à caractère sociologique m'interdit, je le pense, de rentrer dans ces facilités et libertés occidentales, ces comparaisons entre différentes réalités qui n'ont fondamentalement aucune valeur objective.