Après
quelques mois d'attente et après quelques heures d'avion, me voici
enfin arrivé à Lomé, capitale du Togo. Au cours d'un voyage pour
une telle destination, il y a toujours une certaine appréhension et
un certain nombre de questionnements qui surgissent.
On parle beaucoup du continent africain, de son histoire (passée, présente et future), de ses cultures diverses, de ses traditions particulières. Par ailleurs, sa pauvreté, son « sous-développement » ainsi que sa « désorganisation » sont souvent mis en avant. Me voilà ainsi débarqué avec tout ce bagage de présupposés, de représentations sur les africains. Quitter l'occident de la Belgique, pour se retrouver en Afrique au Togo, a révélé d'un certain nombre de contrastes saisissants.
En descendant de l'avion, on apprécie une température clémente, un soleil de plomb mais on regrette aussi une pollution très présente. En excluant le centre ville avec ses immeubles, son quartier administratif et ses routes goudronnées, on parcours dans des rues en terre, faites de bosses, de creux et de cailloux, avec de la terre aux couleurs rouge-orange prononcées. Un vent du Nord (l'Harmattan, ayant donné le nom à la maison d'édition, détenu par un togolais) amène une certaine fraîcheur et beaucoup de poussière sur le pays à cette période de l'année.
Les motos et les voitures filent dans tous les sens, les gens vendent tout un tas de choses de diverses natures sur le bord de la route. Cela va de la nourriture, à de l'essence, en passant par des téléphones portables ou encore des vêtements. En arrivant, on constate avec plaisir la gentillesse de la population avec leurs messages de bienvenue et leurs sollicitations multiples pour les présentations, le partage d'un repas ou d'une boisson.
Pendant les cinq prochains mois, je vais être amené à vivre au Togo, à travailler au sein d'une association togolaise, à travailler dans des établissements scolaires de la capitale. Les premiers rapports avec d'autres français venus au Togo dans le même cadre associatif, m'amène (déjà) quelques frustrations, qui peuvent constituer ma ligne de conduite pour de futurs récits de voyage qui est la réflexion suivante : Lorsque l'on voyage, quelle légitimité avons-nous de venir dans un pays, au sein d'une culture, d'un peuple, auquel nous ne sommes originellement pas liées ?
En effet, lorsque je voyage, que je me plonge dans une culture qui n'est pas la mienne, auprès d'une population qui ne m'attend pas, comment pourrais-je avoir la prétention de pouvoir juger certains agissements, certaines pratiques ayant libre cour au sein d'un territoire ?
Mon premier travail, je le crois, c'est d'écouter, de regarder, de comprendre, et non de comparer des valeurs, des coutumes des agissements, dans une position de hiérarchisation qui devrait déterminer la « meilleur solution » et le meilleur comportement. Le rythme de vie togolais m'interroge, me fascine d'un certain côté tout en me frustrant de l'autre.
Cette admiration ou frustration que le voyageur peut ressentir en découvrant un monde nouveau, je pense qu'il devrait être capable de l'analyser d'une manière rationnelle. Cela, afin de résoudre, au moins partiellement, les problématiques que cela peut provoquer et afin d'être confronté à des réalités qui peuvent paraître, à première vue, opposées aux réalités « objectives » qui la compose.
Pour terminer sur ces premières impressions togolaises, je mettrais
en
avant le plaisir de la nouveauté et de la rencontre et de la remise
en question que procure le voyage. Ce voyage, bien que professionnel
et dans un cadre universitaire (bien que pourquoi ?
péjoratif ?), est avant tout pour moi un lieu d'apprentissage,
de réflexions personnelles, de confrontations culturelles et de
compréhension de l'autre. Mes représentations premières,
avant toutes choses, étaient axées sur les difficultés de ce
continent. Je pourrais formuler une hypothèse quant à son
explication.
Dans
un premier temps, les réalités que l'ont pourrait nommer
« objectives », montrent de manière globale les
difficultés du continent africain. Les rapports internationaux sur
l'éducation, l'économie, le développement, la santé et autres
tendent à démontrer combien les peuples africains ont un certain
nombre de carences dans leurs développement (on considère celui-ci
en rapport avec les bases posées par les grandes puissances
occidentales). D'un autre côté, il me semble qu'un certain
imaginaire médiatique tend à noircir les situations et à
promouvoir le sensationnel à travers des événements singuliers et
non représentatifs de réalités objectives. C'est avec toutes ces
représentations que je suis arrivé au Togo, en mission humanitaire
(étiquette posée par l'association Afrik'Avenir, qui me pose
cependant un certain nombre de questions). Je parle ici d’images
négatives mais il en va évidemment de même avec toutes celles qui
sont appréciées. Puisqu’on parle aussi de la solidarité, de la
facilité dans les rapports humains, de la convivialité et de la
gentillesse des populations africaines.
Aux
cours des fêtes de fin d'année, un certain nombre de personne que
j'ai pu rencontrer ont tenu à préciser une chose qui peut faire une
différence avec ce que j'ai connu auparavant en France : « Ici
tu es chez toi ! » A la suite de tous ces échanges, j'ai su
une chose : ce sentiment de cohésion, cette intégration presque
automatique des étrangers par les togolais me parle, me touche et
fait sens pour moi.
Voir
aussi rapidement des « compatriotes » venir « prêcher la bonne
parole » en Afrique, comme on prétendu le faire les colonisateurs
occidentaux à une époque finalement pas si lointaine, cela me
choque et me touche. S'offusquer au plus haut point lorsque les gens
jettent des papiers, plastiques par la fenêtre, dans la rue en
marchant. Se plaindre de la pauvreté du musée national (en le
comparant aux « grands musées parisiens »).
Ce
projet d'écriture à caractère sociologique m'interdit, je le
pense, de rentrer dans ces facilités et libertés occidentales, ces
comparaisons entre différentes réalités qui n'ont fondamentalement
aucune valeur objective.