dimanche 15 mars 2015

Immersion totale


Les récits de voyage peuvent apparaître parfois comme spectaculaire. Mes excursions personnelles m'ont fait découvrir la muraille de Chine, le Macchu Pichu, les paysages montagneux et verdoyants de la Nouvelle-Zélande. J'ai travaillé en Amérique du Sud dans une plantation de café dans la jungle péruvienne, dans un lieu sans eau (pas de canalisation) ni électricité, en devant faire le feu pour faire à manger. L'arrivée au Togo s'est déroulé de la même manière : j'ai eu au cours de mes premiers moments sur place, l'opportunité de manger du chien et du varan, boire du Sodabi (alcool fort local dérivé du vin de palme) très fréquemment, surtout en cette période des fêtes de fin d'année. Autant de codes sociaux qui font rupture avec ceux pratiqués en France. Au delà de mon appétence pour ses excentricités liées au voyage, à la découverte de l'inconnu, il me semble nécessaire de passer par ses étapes d'intégrations, ses pratiques communes qui nous permettre de partiellement nous confondre à la population locale. Refuser, dans le cadre d'une rencontre professionnelle avec une famille d'un petit village autour des montagnes de Kpalimé (capitale touristique du Togo situé à 150km au Nord de Lomé), un verre de Sodabi à 6h du matin, relevant de la coutume et des traditions, pouvant être très mal vue voir inacceptable pour un togolais. Il en va de même lorsque l'on a du mal à finir une assiette de foufou en sauce (boule à base de manioc bouilli et pilé avec de l'eau avec une sauce pimenté) offert par nos hôtes, en quantité très abondante. Le fait de sentir la nourriture que l'on nous propose est également très mal vue, synonyme de remise en question de la qualité de l’accueil, la qualité de l'invitation de notre hôte. Voici autant de codes autour de la nourriture et de l'alcool qui font différence et appel à un dépassement de soi. Je ne vois aucun intérêt dans un premier temps à marquer sa désapprobation directe, son incompréhension vis-à-vis de certaines pratiques hospitalières, sociétales, dans la mesure ou j'ai choisi d'être dans cette situation. Lorsque l'on rencontre l'autre, qu'on vit dans son univers, avec ses coutumes, ses codes, ses exigences, il est à mes yeux nécessaires, au moins dans un premier temps, de ne pas trop « penser », réfléchir et à ne surtout pas comparer ses pratiques à celles dont nous sommes coutumier. Cette première phase de découverte des pratiques et coutumes au Togo pose une question centrale au cours de ce moment d'observation : dois-t-on abonner une partie de soi-même, mettre de côté certaines valeurs, attachements personnelles le temps de l'observation, de l'exploration, de la découverte, de la compréhension de l'autre ? Est-il possible de faire autrement, alors que nous voulons engager une compréhension la plus complète, la plus juste possible, de l'autre, de ses pratiques et de ses positionnements, de ses compréhensions du monde ?

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