lundi 21 mars 2016

Existence à travers une recherche de connaissance dans le voyage

Rendre son écrit « sociologique », c’est avant tout pour moi une façon de se faire comprendre des sphères du savoir universitaire, se faire accepter, se faire confirmer son statut d’individu au sein d’une société, au sein de toutes les sociétés qui peuplent cette terre de part le caractère universaliste de la discipline sociologique. Je ne devrait pourtant pas m’enfermer dans une démarche unique afin de valider un processus d’intégration qui part nature est multiple et diversifié. Les savoirs universitaires représentant une partie des savoirs de l’homme, dans une forme particulière mais équivalente aux savoirs traditionnels, aux savoirs pratiques, aux savoirs de la vie vécu, aux savoirs du voyage, aux savoirs naissant de la rencontre. Peut-être que je cherche dans la sociologie, dans cette science occidentale, cette forme d’intelligibilité du savoir, à justifier mon existence avec des outils scientifiques reconnus par notre société occidentale. Cette démarche sociologique, scientifique, je l’applique dû moins j’essaye, au cours de mes voyages, de mes rencontres avec l’autre, celui qui a une culture différente de la mienne, celui qui ne partagent peut-être pas les mêmes valeurs sociétales. C’est ainsi de cette manière, à travers cette rencontre de l’inconnu, que j’entends faire de la sociologie, que j’entend établir ma compréhension du monde. Depuis l’antiquité le voyage est décrit comme un passage obligé vers la connaissance, la sagesse. On observerait ainsi depuis des millénaires, les nomades et les sédentaires, deux états différents mais pas forcément opposés, développer deux chemins distincts vers la connaissance(1).  Au cours du voyage, j’éprouve personnellement ce sentiment de connaissance infini dans la rencontre avec l’autre, la confrontation avec le lointain, avec l’inconnu, avec le nouveau. Un sentiment de compréhension perpétuelle du monde qui nous entoure. J’ai souvent pensé qu’un jour je m’arrêterais, un jour je trouverais l’endroit où poser mon sac à dos, l’endroit où monter un projet, l’endroit où je rencontrerais la personne qui me correspond, la personne qui me conviendra pour le reste de mon existence. L’endroit finalement ou je me réaliserais en tant qu’individu, en tant que personne appartenant à une société qui de part ses codes sociaux, sa culture, poussent ses individus à se réaliser d'une manière uniforme. J’ai bientôt 27 ans, je suis en chemin pour terminer un cursus universitaire, je n’ai jamais encore eu de « vrai boulot ». Je me souviens encore des mots de ma mère il y a quelques mois quant, alors que j’étais déjà en Inde, je lui annonçais mon souhait de continuer à prendre la route, de vivre avec mon sac à dos, de changer de lieu lorsque j’en est envie. Elle m’avait alors suggérer de peut-être commencer à penser à trouver « un vrai boulot », je pourrais interpréter ses mots par l’envie de me voir « faire quelque chose ». Avoir un projet professionnel, une activité, un projet, des objectifs, des finalités dans la vie. Ces paroles venant de mes parents, eux qui ont bougé, sont partie « à l’aventure » en bateau, on fait plusieurs boulot, je ne les pas forcément bien reçu au départ, au devrais-je dire ne les pas vraiment bien comprises. Dans mon esprit, mes parents représentent les antipodes d’une vie rangé, d’une famille installer dans une maison pavillonnaire, un véhicule chacun, deux carrières bien tracées, plusieurs semaines de vacances par an, un avenir de retraité bien organisé, entre autres choses. Et ces paroles venaient me faire penser qu’on me demandait de faire cela, de choisir une case et de rentrer dedans, de m’installer. Mais ce que je n’avais pas pris en compte, qui je pense explique ses paroles, c’est notre vision différente du travail, de sa place au sein d’un projet de vie. Ma mère n’a eu de cesse de me répéter que lorsqu’elle travaillait étant jeune, elle arrêtait quand elle voulait, partait voyager et revenait des mois plus tard, retrouvant un emploi, si ce n’est pas le jour même, le lendemain. C’était l’époque du pleine emploi, l’époque ou les femmes ont commencé à s’émanciper de manière importante, dans les années 68. Il me semble qu’aujourd’hui la donne sur le travail a changé, en tout cas de mon point de vue. Je vois le travail, du moins celui dont on parle à la télévision, celui qui mène au chômage, celui qui nous fait lever à 7h du matin, 5 jours par semaine, celui que l’on appelle aussi l’emploi salarié, comme une forme d’aliénation. Une restriction des possibilités individuelles, de la créativité humaine, une participation aveugle et dangereuse à un système uniformisant et sclérosant, qui n’offrent plus de réponses aux problèmes de société actuelle mais s’entête aveuglément vers une voie sans issue. Bien entendu je ne généralise pas, je suis conscient de tout un ensemble de particularité de l’emploi qui est aussi source d’émancipation, de créativité et d’ouverte sur l’autre, de développement personnel et collectif. Je livre ici, simplement, un sentiment sur ce que le travail, sous sa forme banalisé et massifié d’aujourd’hui évoque pour moi. J’entend, on entend trop souvent dans notre entourage cette résignation, cette conformité qui fait souffrir, « il faut bien payer les factures », « vivement les vacances ». J’ai travaillé l’été dernier dans un supermarché, faisant de la mise en rayons, pendant 6 semaines. J’ai été confronté à plusieurs typologies d’employé. Une grande majorité étant comme moi, étudiant, cherchant un revenu sur une période courte afin de subvenir à ses besoins pendant la période universitaire. Une autre catégorie d’employés sont selon moi résignés, effectuant leur tâche sans enthousiasme, avec une vision journalière, comme une nécessité pour encore une fois « payer les factures », « il faut survivre », « on n’a pas le choix », « il y a des gens qui n’ont pas de travail et qui voudraient bien avoir ce job ». Voici l’état d’esprit de certains employés, qui sont dans une position de résignation, de soumission à l’existence. Ils font partie d’un système sans l’avoir désiré, recherché. Sans l’avoir choisi au départ. Cela peut s’expliquer par un environnement social, une éducation particulière, une appartenance à une classe sociale ayant moins d’opportunités, d’ouverture vers le champs des possibles, socialement, économiquement, intellectuellement. Cette appartenance subie, vécu comme une souffrance, d’une partie des employés de notre société, représente ce à quoi je ne veux pas être lié. C’est dans une démarche d’émancipation, de compréhension, d’apprentissage, de nouveautés, que j’aimerais me situer. Cependant la société française et par extension occidentale nous renvoi en partie une image de nous-même devant être en conformité, de manière physique tout d’abord (code vestimentaire intégré depuis le plus jeune âge, et la confrontation entre les écoliers par exemple), mais aussi socialement (les hobbies, les lieux de socialisation standardisés) et intellectuellement (un seul système scolaire pour tous, uniformisant, globalisant, infantilisant). Comme le dis Albert Jacquard, l’école occidentale est un lieu ou triomphe les gens les plus conforme. Cette conformité est dangereuse à un moment où notre société à besoin de sang neuf, de créativité, de se réinventer. Pourtant c’est bien cette image de mise en conformité que me renvoi la société, à travers la famille tout d’abord, mais également à travers les trajectoires de mes amis « conforment », de mes anciens camarades d’universités engagés dans des carrières professionnelles bien implantées et reconnus par le système, par la masse. Une image d’un individu productiviste, actif sur le marché du travail, sur le plan social également avec l’établissement d’une relation amoureuse, l’installation au sein de sa ville dans des activités sociales visant à lui renvoyer une image d’un individu reconnu et accompli au sein de la société contemporaine, de sa société. Mais pour ma part, je voyage, je bouge encore et toujours, je me cherche, j’observe de tous côtés, je suis assis dans le cinéma et je regarde cette masse évoluer dans la société, je regarde avec étonnement, perplexité, admiration parfois. Est-ce que je veux participer à la valse de la vie de cette manière ? Est-ce que à l’intérieur de moi-même, je ressent le besoin de correspondre à ce modèle de société pour avoir le sentiment d’exister, de participer, d’être accepté ? Je ne le pense pas, je ne le veux pas, je n’en ai pas besoin, pas sous cette forme là. Alors me voilà partie dans une recherche personnelle du sens de la vie, du sens de ma vie, du sens que je donne au mot travail et de sa place au sein de la définition que je peux donner à mon existence. Comme je l’ai exprimé plus haut, il me semble que la définition du travail a évolué, ses représentations se sont modifiées au fil des évènements socio-économique de l’histoire récente de la société occidentale, sous fond de globalisation qui s’accélère, ayant comme moteur un système capitaliste qui tousse de plus en plus fort. Bien que nous ayons vraisemblablement changé de paradigme, nos politiques dans un dernier élan de survie et de sauvegarde du pouvoir, s’évertues à continuer sur les mêmes chemins boueux, à présenter des réformes qui n’en sont pas, en prétextant l’attente du passage de cette crise (sous entendu limitée dans le temps) qui dure maintenant depuis plus de 30 ans et ressemble fort à une mutation, un changement profond et systémique, ayant pour résolution la redéfinition de nos manières de penser la société. Actuellement, de plus en plus de pays ouvrent le débat, publiquement mais aussi politiquement, sur le salaire universelle. C’est dans cette optique que j’aime à penser mon projet de vie. Explorer, rencontrer, créer, écrire, penser, imaginer, partager, comprendre, s’inspirer, autant d’actions qui peuvent se réaliser en dehors d’une démarche professionnelle de marchandisation du labeur . Sans vouloir à tout prix penser mon existence comme une marchandisation, une production économique suivit d’une consommation matérielle, à travers le voyage, à travers l’errance, j’aimerais ainsi me réaliser, du moins pour un temps, en dehors de cette conception classique. En limitant mes possessions, en limitant mes dépenses, en découvrant des circuits de subsistances alternatifs, non-marchand, je voudrais explorer la vie d’un angle nouveau. Beaucoup de gens, à travers le temps et l’histoire ont fait naitre le phénomène. Il a été défini, il a évolué, il nous a raconté un ensemble d’histoires. On a parlé à un moment donné aux Etats-Unis des hobbos, naissant à la suite de la crise des années 30, se déplaçant à l’aide des trains de marchandise de l’ouest vers l’est à la recherche d’un emploi, modifiant ainsi la vision sédentaire du salariat. Il y a eu également la période de 1968 avec les mouvement hippies, et de nos jours, notamment en Europe, on observe une recrudescence du mouvement que l’on pourrait nommer des nomades motorisés. Ses individus en majorité jeunes, vivent dans des vans et cherchent des emplois saisonniers pour travailler une partie de l’année et voyager le reste du temps. Ils sont également au cœur de mouvements associatifs, artistiques, culturelles voir même philosophiques dans leurs manières de s’approprier le monde, de se penser individuellement et collectivement. On remarque ainsi un mouvement d’une frange de la population occidentale qui ne trouve pas sa place au sein de la société, et vont ainsi s’inventer autrement, se réaliser différemment, en marge de la société, de manière volontaire ou involontaire, soit car l’expérience de vie professionnelle classique ne les a pas convaincus, soit parce qu’ils n’ont jamais correspondu aux attentes de la société et au lieu de rester sur le bas côté, ont décidé de se réaliser différemment.


(1)« L’homme et le voyage, une connaissance éprouvée sous le signe de la rencontre », www.Marco-Polo.org, B. Fernandez

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