lundi 14 mars 2016

Mes origines voir non-origines socio-géographiques

Aujourd’hui j’ai mis des mots sur mon sentiment de non-appartenance à une location géographique particulière. En discutant avec une népalaise et un français à propos de cet attachement qu’elle peut avoir avec la ville de Katmandou, celle qui l’a vu grandir. Elle a vécu les premières dix-huit années de sa vie à Katmandu, puis est partie étudier et vie actuellement en Ecosse depuis plus de seize ans. Elle revient à Katmandu chaque année. Lorsque je lui pose là question, elle me répond directement et sans hésitation qu’elle est népalaise (je lui avais demandé si elle se sentais écossaise maintenant). Elle garde un attachement fort et particulier à la ville de Katmandu, son climat, ses ruelles, son ambiance, sa famille qui vie depuis toujours ici. Le même constat pour ce français d’une cinquantaine d’années qui vie dans un petit village reculé d’une région campagnarde française. Il voyage beaucoup, pendant plusieurs mois souvent, mais se sent profondément attaché à cette terre, cet endroit ou il a sa maison. Il aime beaucoup l’environnement, la nature autour du lieu ou il vit en France. Il ira même jusqu’à dire que pour lui, on ne peut voyager loin et sereinement que si nous savons que nous avons des racines quelque part, des racines bien établies. Cela m’a profondément marqué, voir blessé, alors même que je ne me sens moi-même n’appartenir à aucun lieu géographique précis actuellement. Le constat est le suivant. À l’âge de douze ans, on m’a arraché d’une terre que je pourrais qualifié de mes racines, les Antilles, l’île de Saint-Martin où j’avais jusqu’alors toujours vécu. Et ma famille s’est installé en France. Le changement de climat, d’ambiance, d’état d’esprit, ne m’a jamais vraiment plus, bien qu’étant un enfant jovial et qui s’adapte partout. Je me souvient avoir assez rapidement gardé en tête l’idée de partir un jour de France, sans forcément avoir pensé à retourner aux Antilles, à Saint-Martin, mais avant tout partir de ce pays, ce continent peut-être, qui ne me convenait pas, étant trop différent de ce que j’avais vécu. Seulement onze ans après mon départ de l’île, j’y suis retourné. Et là, le choc, bien que j’y avais été préparé car mes parents étaient retourné sur l’île plusieurs fois, mon frère y avais vécu. Mais de mes yeux j’ai pu voir cette île qui avait changé, qui n’était pas accueillante, en tout cas plus pour moi, étant tourné vers l’argent, le loisir, sans culture, sans profondeur. La France m’avais changé, j’avais grandi, j’avais compris réellement les raisons de notre départ de l’île douze années plutôt. Bien qu’en sachant tout cela, et n’ayant aucunement la nostalgie de l’enfance, le constat est là. Je n’ai pas de références, de racines géographiques auxquels me rattacher, auxquels je suis attacher. La France ne m’ayant jamais correspondu, et les Antilles ne me correspondant plus. Ce n’est pas tellement l’envie où le besoin de cet attachement particulier à une terre, un pays, une ville, mais plutôt le pourquoi de ce non attachement à un tel lieu qui me questionne en particulier. Depuis mes 18ans et la séparation avec le foyer familiale, le bateau de mes parents, je bouge, je change de filière universitaire, de villes universitaires, je voyage sur différents continents, poursuivants différents projets. Même si ces mouvements incessants commencent parfois à « me fatiguer », je pense que c’est avant tout vis-à-vis de la comparaison que le monde me renvoi constamment, consciemment voir inconsciemment. Je ne suis pas dans la même situation qu’une grande partie des gens qui vivent avec ses références fixes de racines géographiques, sociales, familiales, amicales. Un socle de base qui ne bouge pas, reste immobile pour une vie, sert de pilier, de référence dans les moments difficiles, les épreuves de la vie. Mais cette vie dont on parle est diverse et varié, a de multiples facettes, prend des formes bien différentes, parfois même des formes que l’on pourrait avoir tendance à opposer d’un mouvement de défense presque instinctif. Même si je refuse de me situer par peur de m’opposer, de me restreindre, de m’enfermer et de ne plus pouvoir évoluer, je dirais que je me trouve dans cette univers sociale de la non-appartenance (grossièrement d’un point de vue extérieur car n’appartenant pas à un environnement social, géographique, national, distinct et défendu voir revendiqué par moi-même), ou plutôt à peut-être une autre forme d’appartenance. J’aime à penser une autre manière de vivre l’appartenance comme celle que l’on l’entend habituellement. Je suis de tel où tel nationalité, je viens de tel où tel région, je suis de tel ou tel ville, partie politique, mouvement citoyen, etc, etc… J’ai commencé, par jeu peut-être, nécessité pourquoi pas, mais surtout par curiosité intellectuelle envers ma personne mais aussi envers les autres, une démarche identitaire réfléchi et choisi. Maintenant je me présente sous le nom de Banjo (voir Banjo Baba ou Baba Banjo pour « coller » intuitivement, machinalement, bêtement à la règle du nom et prénom) et je ne divulgue plus ma nationalité, ou bien je la change au grès des envies et des rencontres. A la question irréductiblement posé au voyageur « Where are you from ? », je réponds parfois « many places ». L’objectif étant le suivant. Partant du postulat que je n’ai pas le même sentiment d’appartenance, d’attachement familiale, nationale, que tout un chacun, alors je souhaite le définir moi-même, en tout cas pour un temps, afin d’appréhender le changement, si changement il y a. Je me trouve actuellement à cet endroit-ci de ma recherche avant tout personnel mais qui je pense est aussi une exploration sociologique, une manière singulière de voir le monde, de l’observer, de l’analyser. Ses éléments de constitution de mon passé, tendent à expliquer je pense quelques traits de caractères de mon présent. En effet lors de mon expérience africaine je me suis agréablement surpris (plus ou moins en fait) de voir comment je me suis fondu dans le paysage, sociabilisé rapidement et presque naturellement avec une culturelle assez différente de la notre. Je pouvais mesurer cette réalité en observant une différence de traitement vis-à-vis d’autres étrangers, d’autres français. Tout ceci n’est pas quelque chose de précis, de quantifiable, mais une impression dégagé au fil des mois, en observant évoluer le regard qu’on porté sur moi des togolais que j’ai connu sur place, et en observant également le regard de ses mêmes togolais vis-à-vis d’autres étrangers, d’autres blancs. Sans aucunement me placer dans une catégorie à part et unique, je reconnais également ce caractère de socialisation que je nommerais caméléon, chez d’autres étrangers, d’autres français connu sur place. Cependant je me concentrerais ici sur la description de ma propre expérience. J’ai pu longuement échanger avec deux togolais, durant mon séjour de 5 mois dans la capitale. J’ai travaillé avec eux sur un projet artistique au sein de l’association. L’un est un autodidacte qui est compositeur de musique, l’autre un ancien pharmacien reconvertie dans le stylisme et la musique. Le premier, avec qui les échanges ont tout de suite été franc, m’a rapidement « qualifié » d’africain, en me le répétant plusieurs fois, « toi tu es africain », « toi tu es comme nous ». Tout cela avant soudainement de m’asséner ou bout de quelques semaines « mais tu te moques de nous en fait ». On été trois, une française, lui et moi. Et au cour de la discussion, j’avais parler français « comme un français », avec une diction, un phrasé, des intonations bien française. Cependant pendant tout le séjour, avec les togolais, sans réellement y faire attention j’avais rapidement pris leurs expressions dans leur façon de s’exprimer en français, les intonations. Tout cela allant avec la gestuelle, la manière de se comporter avec les autres, j’avais par mimétisme adopté en partie un ensemble de code sociaux des togolais avec qui je vivais depuis plusieurs mois. Et j’avais du le faire d’une manière plus ou moins naturel, de sorte que cet ami togolais ne s’en été pas rendu compte et pensais que « j’étais » réellement ce que je leur montrais. Ce constat a été le même avec le styliste qui au cours d’une discussion sur les différents stagiaires français présent dans l’association, m’a positionné comme un africain, « toi Lucas tu es africain ». Il a aussi fait la distinction entre ma situation, ceux qui essayent de s’adapter et arrive plutôt bien à s’intégrer et puis ceux qui ne passent pas ses barrières sociales fortes et qui restent cloisonné dans leurs monde antérieur et ne s’ouvrent pas à la société nouvelle dans laquelle il se trouve, dans laquelle ils voyagent, ils explorent, ils travaillent, pour un temps donné. Cette expérience a été pour moi significative, et je peux dire que durant la grande partie de mon séjour sur place - bien que finalement ponctuer d’un rejet vis-à-vis de l’association et une douleur parfois insurmontable sur certaines réalités locales – j’ai pu apprécié une adoption temporaire d’une société, de ses habitudes, de ses réalités sociales, culturelles, et me sentir pour un temps « chez moi », sans forcément, je pense, l’avoir recherché au départ.

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