samedi 2 avril 2016

Elargir le champ des possibles à l’étranger, en contact avec l’altérité

En société, beaucoup de déterminants sociaux, familiaux, sociétaux nous empêchent, consciemment ou inconsciemment de nous exprimer, exprimer notre moi intérieur, une personnalité, une créativité. Nous sommes conditionné à respecter un certain nombre de règles, comme des codes vestimentaires, codes de conduites, et pratiquer cacher tout ce qui ne relèverais pas d’une culture dominante sous peine de vivre l’exclusion, le regard de l’autre, la stigmatisation. On peut parler des habitudes alimentaires pour les végétariens, les pratiques spirituelles comme le bouddhisme ou le yoga bien que celle-ci ce soit démocratisé en occident depuis plusieurs décennies. On voit comment notre société peut être un frein à un épanouissement personnel de l’individu. Au cours du voyage, l’individu loin de ses attaches, de sa famille, ses amis, ses collègues, trouve ou retrouve une liberté de mouvement, une liberté d’action, une liberté de changement, une liberté d’être. Je me souviens encore de mon arrivée en Nouvelle-Zélande, à 21ans, un DUT en poche, 30kg de bagage et l’idée d’immigrer et de m’installer. Le premier sentiment, au-delà du stress de la langue que je ne connaissais pas, de la distance avec ma famille, l’inconnu, était l’ensemble des possibilités qu’il s’offrait à moi. Personne ne me connaissait, je ne connaissais personne, je pouvais être qui je voulais, expérimenter une identité, une pratique spirituelle, une apparence physique, sans me poser la question de l’acceptation de ce changement par mon entourage. En Inde, beaucoup de voyageur, moi y compris, deviennent végétarien. Par simplicité, la viande n’étant pas très rependue bien que largement accessible de nos jours. Au cours du voyage, au cours de l’errance, dans l’instant inattendu, on découvre une pratique, une culture, une science, un savoir, il nous attend, nous tend les bras et nous n’avons plus qu’à l’embrasser. L’emploi du temps au cours de la mobilité étant limité voir inexistant, les possibles sont partout, l’esprit est à l’affut, disponible pour chaque découverte. Voilà une des raisons pour lesquels en voyage, je n’emporte jamais de guide. Le seul que j’ai jamais acheté pour mes voyages était celui de la Nouvelle-Zélande et je ne l’ai jamais ouvert. Pourquoi vouloir biaiser le sentiment de découverte, de surprise, d’exaltation, à l’heure de la surinformation qui nous donnent qu’on le veuille ou non tout le temps et toujours des avis, des conseils, des mises en gardent, sur tel sujet, tel population, tel religion. L’effet de surprise est déterminant lors d’une rencontre, il devient le moteur de la connaissance, l’essence même du voyage étant de se faire surprendre. Se faire surprendre pour apprendre, se faire surprendre pour évoluer, se faire surprendre pour se déconnecter, se faire surprendre pour aller au-delà de soi-même. Dans l’absolu je dirais que pour le voyageur, parfois le lieu, la destination, la population ne vient qu’au second plan. L’important étant cette surprise de la rencontre, de la rencontre avec l’altérité, avec l’imprévu. Je citerais ici quelques propos de Jacques Rancière pour illustrer mes propos : « La vie intellectuelle c’est d’abord de la rencontre, c’est pas d’abord des méthodes après ça on cherche des objets pour appliquer des méthodes et ainsi de suite. »(1) C’est dans ses moments de voyage, de confrontation avec l’altérité que ces moments de rencontre se font soutenus et participe alors à la construction d’une pensée, d’une réflexion, d’une forme d’intelligibilité, de connaissance du monde, de l’autre. « Il faut se fier à la rencontre de l’inattendu. »(2), « L’émancipation passe toujours au départ par une rencontre avec quelque chose auquel on n’était pas destiné. »(3) Le voyageur emprunte des chemins, sans avoir de destination précise, laisse place au hasard de la rencontre et forçant un peu le destin de la rencontre, et ainsi le moment de cette émancipation dont parle Rancière.


(1) Présentation du livre « Méthode de l’égalité », Librairie Mollat, vidéo Youtube, 8m42s
(2) Ibidem 13m46s
(3) Ibidem 36m20s

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