lundi 4 avril 2016

L’apprentissage d’une langue, entre compétence linguistique et outil de communication, aliénation ou émancipation

À l’aube de l’humanité, les premiers hommes se sont développés en communautés disparates sur l’ensemble de la planète, de manière simultanée. Ils ont ainsi indépendamment les uns des autres, développe une culture, des pratiques, une communication singulière. La rencontre qui s’en est suivie, alors que ses peuples nomades parcouraient le globe à la recherche de nourriture, de nouveaux territoires de chasses sur une planète qui déjà voyait son climat et sa géographie évoluer, a donné lieu à des interactions multiples en terme d’échange de ressources, de savoirs, de cultures. Cet échange est en grande partie assujetti à une compréhension mutuelle, qui comme nous le savons pour notre espèce, passe en partie par le langage articulé. Ainsi depuis des millénaires, les peuples vont apprendre à communiquer entre eux, apprendre la langue d’autrui pour pouvoir commercer, converser, échanger. Et jusqu’à nos jours, ses phénomènes d’échanges que l’on nomme aujourd’hui comme interculturalité, ne sont que plus nombreux. Si les Etats-Nations ont eu tendance à homogénéiser les langages et minimiser voir supprimer les langues et dialectes de tribus et sociétés minoritaires (le français enseigner dans leurs anciennes colonies africaines et de par le monde, faisant fi des dialectes locaux, le cantonais remplacé par le mandarin durant le grand bon en avant de Mao en Chine, l’anglais enseigné de par le monde à l’ensemble des colonies britanniques), les échanges persistes et l’apprentissage des langues et de plus en plus mis en avant à l’heure de la mondialisation. Pourtant, à mon sens et de part mon vécu, je dirais que les français ont quelques lacunes vis-à-vis des langues étrangères, et principalement vis-à-vis de l’anglais, langue de la mondialisation. Au cours de mon parcours scolaire, je n’ai jamais été très attiré par l’anglais, et toujours été plutôt passable voir mauvais du point de vue académique. Si en comparaison des pays germaniques (Allemagne, Hollande, Autriche) ou des pays nordiques (Norvège, Suède, Finlande, entres autres), notre plus faible capacité linguistique, notamment de l’anglais, peuvent s’expliquer à l’instar de nos voisins latin, par une similarité linguistique entre les langues de ses pays du nord et l’anglais de part une racine germanique commune que nous, les latins, n’avons pas, on peut toute fois constater une particularité française dans l’apprentissages des langues étrangères. Sans aller chercher des statistiques en éducation, il est aisé de constater la pauvreté de niveau des français dans leurs aptitudes à parler les langues étrangères. Combien d’amis étrangers m’ont raconté leurs difficultés d’orientation à Paris alors que les taxis et globalement la population ne savait pas ou pire ne voulait pas parler anglais. Combien de français n’ai-je pas rencontré en voyage qui ne pouvais pas aligner quelques mots en anglais et communiquer de manière simple. Combien de fois des étrangers se sont d’abord étonné puis m’ont félicité pour mon niveau d’anglais et mon accent (ou plutôt non accent français). Comme dirait Albert Jacquard, « c’est pas sérieux ». Et je le dis d’autant plus ouvertement et avec fermeté que j’ai été dans cette situation, je n’ai pas eu la moyenne à l’épreuve d’anglais du baccalauréat, je ne regardais que rarement des films en versions originales (anglais en partie), je ne pouvais faire une phrase ou m’exprimer à l’oral même de manière élémentaire. Et je suis partie en Nouvelle-Zélande, seul, pendant près de 8 mois, afin d’apprendre la langue de Shakespeare. En près de 10 années d’apprentissage de l’anglais à l’école, je n’ai pas développé d’attrait pour ce langage. De part mon envie de voyager, j’ai par la suite développé une conscience de sa nécessité. J’ai développé une envie, puis chemin faisant un goût pour cet outil de communication, et non cette compétence linguiste qui m’a été enseigné pendant des années. Combien d’élèves deviendront professeurs de langues , linguistes ou traducteurs ? Je rappellerais ici la dimension exprimé par Joseph Jacotot vis-à-vis du gouvernement française et son rapport à l’éduction qui est hiérarchique, autoritaire, sélectif et aliénant, « Critique un peu radicale de la méthode qui veut justement aller en bon ordre, progressivement, remplacer l’ignorance par le savoir. » (1) On voit bien ici ce dessiner cette passivité dans le rapport à l’apprentissage, à l’éducation, l’élève qui, assit, écoute le professeur dans son cours magistral et va petit à petit s’ « élever », à la hauteur du savant, en enlevant progressivement son costume d’ignorant. Selon moi, nous sommes encore en France dans ce rapport à l’éducation, à la connaissance, qui n’apporte pas la volonté d’émancipation de sa population mais bien d’assujettissement, de contrôle et du maintien de la distance aux savoirs. On retrouve dans le voyage et la volonté d’apprentissage d’une langue étrangère, cette idée d’émancipation. En effet c’est à plus de 10000km de la France, que dans la nécessité (de se nourrir, se loger, travailler) que j’ai développé une compétence, une capacité à communiquer, et ainsi un apprentissage de la langue anglaise. Il n’était plus questions de textes à traduire, de vocabulaire arbitraire à mémoriser, d’écoutes de mauvaises qualités et d’un accent des plus étonnant à décoder. Il me fallait vivre, comme je vie chez moi, mais en utilisant un nouveau moyen de communication. A travers le voyage et le vécu au sein d’une société nouvelle, l’individu va accéder à un outil de communication, va emmagasiner des codes sociaux, des attitudes, qui lui sont vital pour une bonne intégration et un plein épanouissement. En cela, le voyage est pour moi un chemin direct vers la connaissance, dans un univers de sens, de pensées nouvelles, qui sont stimulantes, enrichissantes, et qui surtout proviennent d’une nécessité. Je choisi au départ de me plonger dans l’inconnu, et par la suite je développe des mécanismes d’apprentissages qui me sont vitaux pour résister au choc culturel, comprendre et assimiler les particularités de cette nouvelle société. Je suis là, en voyage, dans un processus d’apprentissage continu, venant d’une caractéristique profonde de mon être et de tous les êtres humains, la nécessité d’échanger, de partager, de vivre avec l’autre. Joseph Jacotot parlera ainsi de la nécessité d’une émancipation « Il n’y a pas à instruire le peuple, il y a à lui dire qu’il peut s’émanciper. » (2) C’est cette idée d’émancipation qui traverse le voyageur, le fait de vouloir aller toucher de ses propres mains, voir de ses propres yeux, parler face à face avec l’altérité. On nous parle d’une société mondialisé, d’une grande communauté humaine, d’égalité entre les peuples, de Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Alors je pars, avec un sac sur le dos, à la rencontre des autres, des étrangers, des privilégiés, des exclus, des enfants, des jeunes, des adultes, des vieillards, des croyants, des chamans, des peuples de la montagne, des peuples de la mer, je pars trouver, ou plutôt retrouver, mes frères et mes sœurs. C’est en constatant une dissonance dans les discours et les pratiques de la société contemporaine, qui nous parle d’égalité mais pratique une politique restrictive quant à l’immigration, nous parle de terrorisme mais continue son ingérence étrangère et sa recherche de domination géostratégique qui en sont les racines, que je décide de partir à la recherche de savoirs, de rencontres, de partages, afin d’éprouver toujours un peu plus ma condition humaine. 

(1) Présentation du livre « Méthode de l’égalité », Librairie Mollat, vidéo Youtube, 40m02s 
(2) Présentation du livre « Méthode de l’égalité », Librairie Mollat, vidéo Youtube, 40m25s

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